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La banalité du mal

by Gros Enfant Mort

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1.
J’ai enterré la croyance, rejoint le troupeau pour m’oublier en lui, dans les prophéties de la décadence. J’ai atteint les limites de la raison lucide, fatigué de me prendre pour un comédien. Chaque jour je simule des sourires tant tous mes lendemains ont un goût d’avant-hier. Perdu dans un présent dépeuplé, dans le contradictoire, dans le brouillard funeste du réel, qu’est-ce qui a encore un sens ? Pas de mirages ni de palliatifs pour contenir la rage qui m’anime. Aucune place pour ce qu’il reste d’orgueils inutiles. Plus personne pour s’indigner du sang, des larmes, du vrai ni du faux, de la dualité du prétendu effort de guerre. Plus aucune tendresse pour ce gens autour de moi qui occupent le même siècle. J’ai beau conscientiser l’insatisfaction, l’absence d’espoir, l’étendue de l’absurde, je me surprends encore, les mauvaises nuits, à rêver plonger du mauvais côté de la ligne de crête, à jouer au funambule sur cet instinct familier. J’étouffe dans cet incendie. Personne n'apprend, personne n'aspire, personne n'enseigne, à savourer les brulures. Dans mes rêves je programme mon obsolescence. Je n’existe que dans l’évasion, ne prends part qu’à la science pour vivre avec la pulsion d’une trêve qui ne viendra pas, l’illusion d’un rêve qui s’éternisera. Mais personne n'apprend, personne n'aspire, personne n'enseigne, à oublier.
2.
Depuis combien de temps on est en mode automatique, à se contenter de passions tristes ? Sans fausse naïveté, qui sont ceux qui se projette encore un peu plus loin que l’année prochaine ? Qui trouve encore des subterfuges pour s’échapper de la masse critique des oppressions ? Depuis quand on relativise notre souffrance d’exister ? Jusqu’au temps des réparations ou à l’épilogue tragicomique de nos vies absurdes ? Chaque certitude est obsolète. Qui sont ceux qui se projettent encore dans le « monde d’après » sans penser faire partie des âmes perdues ? Ceux qui valorisent chaque heure de servitude en brandissant le totem des libertés ? Ceux qui évaluent le niveau de démocratie au nombre de pauvres qu’on a laissé passer au travers des plafonds ce verre ? Ceux pour qui la dignité est une variable d’ajustement ? Chaque lieu familier a une odeur de naphtaline. Chaque échappatoire est suspendue à un champ de ruines. Ce qui importe le plus est pas de rester humain mais de rester en vie. Suspendus aux lèvres des pompiers pyromanes, tous à cultiver notre mal au crane, Si la guerre c’est la paix, autant perdre les deux. Si l’ignorance c’est la force, autant cesser le feu. Si la liberté c’est l’esclavage, notre passage sur Terre est un bizutage. Si on se heurte à un mur quand on se projette au-delà des lamentations, si tout le monde à tort et que personne n’a raison. Si la guerre c’est la paix, autant perdre les deux. Si l’ignorance c’est la force, autant cesser le feu. Si on se raconte un mythe de Sisyphe pour éco-anxieux. Si on se souviendra que du couvre-feu. Si on regarde passer les heures à travers nos fenêtres d’Overtone, Le futur n’appartient à personne et nous sommes morts.
3.
Encore une dernière déception pour se dire que la boucle est bouclée, que la confortable illusion d’être dans une bulle étanche à la férule des hommes s’est effondrée d’elle-même. Que les derniers masques ne dissimulent plus nos mises en scène. Combien de drames individuels borderont le sentier de la guerre avant qu’on regarde nos paradoxes dans les yeux, sans prendre les armes des adversaires ? Dans nos doubles vies fantasmées on célèbre la mise en concurrence de nos égos. Combien de veux pieux ont résonné dans l’uniformité de nos extractions sans céder aucun privilège ? Et de quelle déconstruction on parle quand on applaudit que des mots ? Du capital symbolique où la maitrise des codes serait la seule monnaie ? Pour combien d’évidences sordides on a regardé ailleurs ? Pour s’attaquer à des symptômes qu’on a refusé de voir ? Combien de drames individuels borderont le sentier de la guerre avant qu’on regarde nos paradoxes dans les yeux, sans prendre les armes des adversaires ? Combien de victimes dans l’angle mort de nos doubles vies cannibales ? Combien de martyrs pour la conscience de nos vanités radicales ?
4.
De jour en jour, je peux sentir mes forces m’abandonner. Barricadé entre le passé et l’avenir, entre la haine et la logique du pire. J’ai fait le deuil d’une existence indolore, des révoltes sans contrepartie. J’ai fait le deuil de toutes nos boites de pandore, d’être autre chose qu’un consommateur. Coups après coups, je me suis fait à l’idée sans retourner de stigmate. On s’infligera le calvaire, comme tout le monde, tous les jours, pour se payer une vie d’automate. Est-ce qu’on a fait semblant de rattraper le temps perdu ? Pour quel horizon sordide on s’est battu ? La léthargie de nos luttes en quarantaine ? La promesse d’un futur un peu moins obscène s’envole sans nous. Que deviennent nos nuits blanches à l’épilogue de la jeunesse ? Malgré les preuves qui nous accablent et nos joutes en état d’ivresse, nos angles morts nous protègeront du châtiment de la vérité. Que devient l’orgueil au crépuscule de nos mensonges ? Sans résistance, les yeux vidés par les remords qui nous rongent, on apprendra à entretenir les moindres dépendances à nos chaines, la corde au cou, peu importe où ça nous mène. Dans le néant de nos âmes chétives, on s’égare en se répétant que jusqu’ici tout va bien. On a choisi de se perdre, dans de faux dilemmes cornéliens entre le poids du silence et le vertige du lendemain.
5.
17/10 03:00
Les dernières lueurs du jour déclinent ce soir d’octobre. La pluie tombe sur Paris. Sur les cendres de leur empire, la jeune république pleure, enchaînée à sa propre emprise sur les corps vassalisés par l’universalisme. 7 ans après le début des « événements », les dernières colonies poussent leur ultime chant du cygne. C’est dans le faste des préfectures qu’on a tranché le couvre-feu pour les bidonvilles de Nanterre, pour 110 000 otages. Les premiers ordres résonnent sans bruit « pour chaque coup reçu, en rendre 10 ». Les banlieues se vident. Sur les pavés des grands boulevards, au crépuscule résonnent les premiers coups de feu. Au milieu des débris de verre, des chaussures perdues, des flaques de sang, on sépare les hommes des femmes, des enfants. Les blessés jonchent le sol, les mains sur la tête la peur dans les yeux. On réquisitionne les bus et les stades pour les 12000 déportés torturés jusqu’au matin. Les morts sont jetés dans la Seine. Un « événement » de plus, un 17 octobre. Les preuves sont détruites dans les jours qui viennent, les registres des morgues se volatilisent. Aucune marche blanche pour les sans visages. Aucun encart pour les invisibles. Un « événement » de plus, un 17 octobre.
6.
On trie parmi des signaux faibles, aveuglés par nos biais, dans ce halo dystopique. Pas d’autres espoirs que de respirer entre deux états d’urgence, que de se bunkeriser face au libéral fascisme qui vient. Dans des espaces quadrillés et mornes, gentrifiés, sanctuarisés pour un développement personnel érigé en principe. Des villes au pas au milieu de campagnes en ruine à l’horizon toujours plus brun, plus hors de sol. Et peu importe les remparts, leur pernicieux mélange des genres s’immisce comme du sable dans la quiétude de nos bastions : la novlangue des éternels contents d’eux même, les injonctions à l’entreprise de soi, à prendre part au nouvel ordre brutal des négligences. Les pleurs assourdissants des entendeurs de voix sur la perte d’on ne sait plus quel âge d’or. Leurs récits qui s’effondrent face à la réalité, le « grand remplacement » de leur hégémonie coupable. Qu’est-ce qu’on peut encore amener d’audible au milieu de leurs fantômes supposé sachants ? A croire que rien ne cohabite mieux avec leur management que leur fanatisme républicain. Plus aucun filtre à nos bas instincts dans cette guerre totale sans objection ni conscience. Plus aucun garde-fou dans leur croisade pour la fin de l’histoire qui vaincra sans péril, qui triomphera sans gloire. Plus aucun clair-obscur sous leurs fresques du purgatoire, sous leur déluge de mots valise portés en étendard. Des espaces quadrillés et mornes. Des villes au pas au milieu de campagnes en ruine à l’horizon toujours plus brun, plus hors de sol.
7.
8.
Parfois je me suis leurré à croire aux images positives de moi-même. Mais est-ce que le vrai courage ça serait d’avoir pris quelques risques dans l’ignorance de la protection d’un pédigré ? La fierté est une imposture, un privilège héréditaire. Je me suis même cru unique parfois, quand des approbations consanguines m’ont fait sortir la tête de l’eau. Au hasard des intersections avec les projections narcissiques parentales, à chaque validation inoffensive, j’ai gouté la dissonance, avalé du placebo. Chaque injonction aux luttes intestines, chaque itinéraire contre la montre, chaque identité qu’on assassine m’a fait intérioriser la honte d’avoir cru bien faire. Honte de l’antithèse entre ce que j’ai cru être et ce que je vois dans le miroir. Chaque seconde qui passe est une autocritique et plus je creuse plus je vois la gangrène. La honte d’avoir rien fait, de s’être toujours contenté de l’inertie. Est-ce que je vomis plus le fait de bénéficier de privilèges liés à une condition que j’ai pas choisie ou de vivre dans un monde qui s’en accommode ? Mais qu’est-ce qui fait que malgré tout ce qu’on a structuré pour se penser dominants on cherche encore à vivre en fuite ? Pourquoi est-ce qu’on multiplie tout ce qui s’apparente à l’autodestruction, aux addictions, à la procrastination, à la dissimulation de la vérité ? Qu’est-ce qui crée le sentiment pathologique de ne pas vouloir déranger, de concéder ce qu’il faut, d’être serviable docile et asservi ? Pourquoi est-ce que j’ai la conviction profonde de pas être à ma place, de ne pas appartenir à ce monde, que tout est de ma faute ? Parfois je regarde les autres en me demandant ce qu’ils savent de la haine de soi, après le dressage des corps qui ne sont rien, et si je suis si seul.
9.
Quand le temps n’est rien de plus qu’un hotspot, une maudite zone d’attente, un ultime boycott avant le prochain massacre. Quand ce que j’imaginais naïvement changer de l’intérieur, a fini par me broyer au fil des simulacres. Quand ce qu’il me reste à donner tient du divertissement. Quand tout ce qu’il me reste à faire c’est de me divertir moi-même en attendant la chute. Quand ce qu’il me reste de concret est une fuite en avant des injonctions malsaines dans lesquelles on me demande de trier à vue. J’ai appris à baisser la tête, à enseigner les humiliations. J’ai fermé les yeux devant des exécutions discrètes, toléré le présent sous une chape de plomb. Malgré tout ce que j’ai lu pour me persuader du contraire, je suis incapable de changer quoi que ce soit pour ceux que l’état cynique appelle fragiles. Comme un croque mort je me contente tous les jours d’archiver mes échecs confortables, de prouver mon allégeance à ceux qui s’imaginent sur un champ de bataille où s’affronteraient les civilisations. Je me demande souvent ce qui me fait encore tenir debout, à me sentir si seul au milieu de ces gens, à souhaiter faire demi-tour à chaque fois que je prends la route. Qu’est-ce qu’il reste à offrir au réel ? Qu’est-ce qu’il reste à part des heures futiles ? Qu’est-ce qu’il reste encore d’honnête entre ces murs couverts de sang ? Qu’est-ce qu’il me reste pour pas devenir ce que j’ai toujours maudit ? Qu’est-ce qu’il reste à offrir au réel ? Je m’épuise chaque jour à fermer les yeux à chaque bouffée d’oxygène, à faire mentir le présent pour trouver du sens à l’absurde.

about

Fireflies Fall (FR)
Deux Pieds Deux Dents (FR)
Dingleberry Records (DE)
Clever Eagle (USA)
Non Ti Seguo (IT)
Desperate Infant (HK)
Sounds Like Sunday (ES)
Salto Mortale (SK)
Callous Records (UK)

credits

released November 4, 2022

Enregistré à Poitiers en février 2022.
Prises de son : Louis Bastide
Prises de son, Mix : Caryl Marolleau
Master : Thibault Chaumont

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Gros Enfant Mort Poitiers, France

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